La luronne

Roman sorti en livre de poche en 1981 chez Belfond. De Charlotte Wagner. Auteure née après la guerre. À ne pas confondre avec son homonyme, la Charlotte Wagner née en 1991, qui écrit des romans mêlant science-fiction et fantasy. Comme mon fils, Alexandre.

La luronne. Un livre léger. Une lecture d’été. C’est l’histoire, comprends-tu, d’une jeune fille des années 60 dont on tait le prénom. Révoltée contre sa famille, contre l’école, contre Dieu, contre tout sauf les garçons. Elle a 14 ans quand elle en embrasse un pour la première fois. Et ça ne s’arrête pas là. En voici des petits bouts. Je vous préviens, c’est cochon. Il se peut, qu’après la lecture de ces extraits, vous deviez vous rendre à l’église confesser ce péché de luxure. En n’oubliant pas de porter un masque et de vous savonner les mains en entrant au confessionnal.

Comme la gamine n’a pas de prénom, appelons-la Charlotte.

(À 14 ans, premier baiser de David, un Anglais de 15 ans et premières règles de Charlotte)
« Un jour, il m’a embrassée juste au coin des lèvres, et on se tenait un peu les mains, ah quel péché horrible! J’en tremblais et j’avais drôlement honte d’avoir fait des saletés. Le lendemain je dégoulinais de sang. Là, j’ai compris que j’étais enceinte, et je me suis enfermée dans la chambre de bain. »

(À 14 ans et demi en parlant des garçons)
« Ça dit des saletés et ça fouille partout. Moi, ce que j’aurais voulu, c’est un garçon qui me caresse, surtout entre les jambes. Mais pas qu’il m’embrasse, hein, parce que c’est un peu dégoûtant la bouche. »

(Observation à propos de sa grand-mère)
« Elle pensait à ma mère sans arrêt en disant des chapelets pour qu’on la sauve, et elle oubliait de faire cuire les nouilles ou d’acheter le pain. »

(A 14 ans et trois quarts, première expérience sexuelle complète)
« Je me suis aperçue que ses deux mains étaient agrippées à mon dos, alors c’était pas sa main. Arrête, arrête, je criais des espèces de hoquets mouillés, il s’en foutait. Heureusement, on a frappé à la porte, alors il s”est arrêté de me crever le ventre. »

(À 15 ans, avec Lulu 19 ans, garçon timide mais pas trop et maladroit)
« Il m’a fait mal mais pas longtemps. Il gigotait et il soufflait, dans le fond il était épaté. Après cette petite affaire, je suis retournée me pageoter ni vu ni connu, ma sœur dormait du sommeil de l’innocence » (Pageoter, en argot, signifie se mettre au lit)

(A 16 ans, avec des amis algériens, après s’être déjà crue enceinte 3 fois)
« Ah les caresses furtives d’entrejambe sous les portes cochères, c’était tellement meilleur que sur un lit, on ne redoutait pas la suite. »

(En vacances en Angleterre, elle écrit à sa famille)
« Chers parents, j’ai visité Windsor et plein de trucs comme ça tout ce qu’il y a de plus régulièrement, moi j’étais pas la fille indigne, même j’aimais bien leur écrire, simplement c’est de près que ça me fatiguait à la longue. »

(Après une rencontre avec deux Noirs qui la traitent de raciste parce qu’elle ne veut pas coucher avec eux)
« Le lendemain, une de mes tantes qui devait me guetter m’a coincée, et m’a emmenée avec elle dans une campagne de tout repos où j’avais le choix entre tondre le gazon et bêcher les plates-bandes entre deux vaisselles. Dans le fond, ça repose de l’aventure. »

(Se pensant encore enceinte de Claude, un vieux de 35 ans)
« J’espérais. J’en pouvais plus d’espérer, à tout hasard je m’étais molletonné le fondement pour être parée en cas de miracle. Mon dieu, si je ne suis pas enceinte ce coup-ci, je serai plus sage que la Sainte Vierge. »
« Le lendemain, je baignais dans le sang comme si on m’avait éventrée. Sauvée. Du coup j’ai déchiré ma page d’écriture en chantant des alléluias, et je me suis arrangée pour ne jamais revoir ce type. »

(Seule dans sa douche)
« Ça c’était bon. Évidemment on peut m’objecter l’amertume de la solitude, mais mieux vaut jouir seule qu’être seule à ne pas jouir. »

(Avec Solange 20 ans)
« J’ai glissé un doigt entre les lèvres velues, et là tout en haut, j’ai trouvé un petit truc qui se gonflait sous mes caresses, et je l’ai caressé à mon rythme à moi, en appuyant de plus en plus vers le bas. Un mouvement latéral, surtout bien mécanique, qui se déplaçait discrètement vers le bas, mais sans à-coups, attention. Ah mon pauvre bras et mon pauvre poignet, si elle avait arrêté de gémir et de se cramponner à moi, j’aurais bien voulu changer de main, tiens. »
« Se laisser jouir sans pour autant perdre le rythme à l’autre bout, et surtout sans avaler de poils. »
« Solange venait poser son derrière humide sur mes cuisses et elle me caressait les seins en me suçotant la langue. J’avais du mal à m’habituer à ce goût sucré alors que la bas était salé. »

(Avec Christine et son jules, d’autres vieux)
« Pour Noël, ils m’ont offert une poire à se rincer l’intime, de voyage, s’il vous plaît, et pliable. »

(Après la mort du président Kennedy, Charlotte qui s’intéresse enfin à autre chose qu’au sexe)
« … c’est triste, mais enfin je le connais pas et d’un, de deux sa femme va pas faire des ménages pour se nourrir le chagrin. »

(En vacances en Corse)
« … j’avais pas plus de curiosité touristique qu’intellectuelle. Flâner dans l’historique au bout d’une heure, j’en avais ma claque, alors tout l’été à s’exclamer sur des curiosités instructives ou esthétiques et même les deux, certains grands jours ça m’épuisait. »

(Avec Frilou, 19 ans, un romantique)
« Alors Frilou m’a emmenée me promener très loin, dans un village de montagne plein d’ombre et d’air frais. Il flottait dans l’air une odeur de déclaration d’amour, peut-être même de demande en mariage, nous en étions tout intimidés. On se connaissait à peine mais là, écœurés, de solitude, on s’assoiffait d’amour et on était un peu crispés à osciller au bord des mots. »

(A 18 ans, le jour de son anniversaire, chez son rhumatologue à défaut d’un gynécologue, se croyant de nouveau enceinte)
« … j’ai peut-être bien une petite graine qui me ronge le ventre et me voilà chez mon rhumatologue pour me faire visiter l’utérus par sa main d’homme de science. »

(Mais pas question de rater son dîner d’anniversaire chez ses parents)
« Moi pas question, j’avais la soupe familiale, que pour y échapper il m’aurait fallu un mot d’excuse signé du pape, et encore si c’était un faux, hein? et avant vingt heures à la maison, avortée ou non. »

(A 19 ans et toujours pas enceinte ni avortée, elle refuse une demande en mariage d’un noble replet et snob)
« Il peut se les garder pour une autre le foulard Hermès et le collier de perles, et les angelots fessus qu’il rêve de me fourrer dans le tiroir, qui sont déjà prêts à m’escalader l’intime. »

Une lecture que je qualifierais de réjouissante, même de jouissive. Dommage que l’écrivaine, dont c’était le premier roman, n’ait rien publié après. Ou peut-être l’a-t-elle fait mais sous un nom d’emprunt. Pour ne pas avoir d’autres péchés de luxure à confesser.

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